Félix Tshisekedi prend finalement la main dans un pays où son prédécesseur, Joseph Kabila, semblait pourtant indéboulonnable. Après l’éviction de la Présidente de l’Assemblée nationale Jeannine Mabunda, du Premier ministre Sylvestre Ilunga et du Président du Sénat, Alexis Thambwe, et la transhumance des milliers de personnalités proches de Kabila vers l’Union sacrée pour la Nation, le FCC ou ce qu’il sera sous d’autres formules, renaîtra de ces cendres, indiquent les analystes du piètre gotha politique de la RD Congo. Et pourtant, ce n’était pas aussi simple qu’il ne parait. La tâche semblait pourtant quasi-impossible pout Tshisekedi, tant que sa marge de manœuvre était réduite. Puisqu’il accède à la magistrature suprême en janvier 2019, à la faveur d’un accord électoral conclu avec le Front commun pour le Congo (FCC). Ce qui est un handicap. Seulement, un doute persiste. La page FCC est loin d’être tournée, indiquent les analystes. Pour eux, la famille politique de Joseph Kabila peut miser sur le temps, à moyen ou à long terme, pour renverser la vapeur. Ceux qui doutent encore de ce qui adviendra de la RDC à l’avenir pense que le FCC ne rebondira plus, même sous un autre visage. Erreur. La force de ce qui sera le FCC demain viendra de ses transfuges. Ils auront vécu une mauvaise expérience de leur transhumance, bien que conseillée, à leur entendre parler, par Joseph Kabila. La situation prête ses méthodes à la stratégie de guerre, essentiellement dans l’antiquité. Les stratégistes se focalisaient moins sur l’éclat des batailles que sur leurs suites et impacts (politiques, diplomatiques, sociaux, économiques…) à long terme. Dans l’art de guerre, l’épreuve de vérité n’est pas une bataille gagnée, aussi brillante soit-elle, mais à moyen et à long terme, la mise hors combat durable de l’ennemi, par la stratégie de l’endormissement. Ce qui rappelle la stratégie du Combat des Horaces face aux Curiates n’est qu’une suite logique de la stratégie de la Guerre de Troie. On désignera le vainqueur d’une guerre qu’en considérant les fins. En politique tout comme dans l’art de guerre, on ne peut crier victoire que lorsque l’ennemi a été totalement détruit, ou sa capacité de nuisance réduite au maximum. En politique, des échecs stratégiques peuvent préparer des campagnes d’envergure ouvrant sur des succès politiques. Une défaite ne peut être consommée que lorsque l’on neutralise complètement son ennemi et ses forces de sorte qu’elles ne soient plus capables d’agir ou de survivre politiquement. Est-ce le cas avec les transfuges du FCC ?
Petite leçon de politique congolaise
Les députés pro Kabila ont fait un geste d’humeur. Ils pouvaient limiter leur fronde à la destitution du bureau Mabunda, qui cristallisait les colères, pour donner des signaux à leur hiérarchie. Le Comité de crise installé pour battre le rappel des troupes n’a pas réussi à calmer le jeu alors que dans la tête de ces députés, pas sûrs d’être réélus, résonnait encore la menace de Félix Tshisekedi d’une dissolution de la Chambre basse faute d’une nouvelle majorité à sa solde. Si, après le bâton de Tshisekedi, Jean-Marc Kabund, le président par intérim de l’UDPS, envoie des carottes comme signaux d’apaisement en promettant de ‘‘veiller aux intérêts de ceux qui viennent du FCC’’, beaucoup d’opportunistes ont sauté sur l’occasion. Et entre autres dans le but de trouver des postes, même si on entrevoit, dans ce théâtre, deux dindons de la farce : Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba, qui vont se faire rouler dans la farine d’ici 2023. Le scénario de loyauté de Tshisekedi leur est encore frais dans la mémoire.
Peut-on aujourd’hui, d’une part, parler de la défaite du FCC lorsqu’on étudie de près la mutation des apparatchiks du FCC (Bahati Lukwebo, Lambert Mende, Steve Mbikay, Ngoy Kasanji, M23, etc.) dans cette nouvelle force politique où ils jouissent numériquement de la majorité. Et d’autre part, face à l’éclatement de sa famille politique, que signifie le silence de Joseph Kabila, même si c’est à ses habitudes, retranché qu’il est dans sa ferme de Kashamata, près de Lubumbashi, loin des remous politiques de Kinshasa, presque indifférent à la défaite de son propre camp ? On croit à une stratégie. Joseph Kabila dort tranquille. Ce qui corrobore des bruits selon lesquels il y est pour beaucoup.
Le temps, un précieux allié de la politique
La politique, à un certain niveau, ne rejette pas un allié de taille qui est le temps. Il faut savoir faire avec. Et les déçus de l’Union sacré, puisqu’il y en aura encore, car on a ciblé les déçus du FCC, reviendront à la maison FCC. Pour des gens qui ont goûté au lait et au miel qu’ils n’auront certainement plus à profusion, ce sera leur première réaction. Pour revenir à la coutume militaire ou à son langage, la RDC en est éprouvée par des expériences malheureuses, principalement lors du brassage, du mixage et de l’intégration des rebelles dans les FARDC. Que n’avons-nous pas vécu toutes ces années d’après-Deuxième guerre du Congo ? La RDC pourra rééditer l’expérience sur le plan politique. Avec un peu plus de 100 députés restés fidèles à l’ancien président, le FCC ou ce qu’il en sera, devient aussi la première force d’opposition. Au point d’envisager, peut-être, un retour aux affaires : ‘‘Joseph Kabila n’a pas arrêté avec la politique, a assuré Alain Atundu. Nous commençons dès maintenant à mettre en place un plan de bataille’’. Le langage est Martial. Emmanuel Makila